Nous avions vu dans cet article en quoi il est possible d’envisager une théorie écologique de l’esprit qui permette de comprendre comment nous ne parvenons pas à orienter le cours de notre évolution aussi bien que nous le souhaiterions, en particulier en contexte de stress écologique (pic des ressources énergétiques, changement climatique, baisse des rendements agricoles…). Nous pouvons envisager de relativiser le libre arbitre et de replacer la causalité des possibles dans le réel et non dans l’esprit, où elle ne peut rationnellement se trouver, sauf à nous croire tout-puissants et dotés de pensée magique.
Une étude vient apporter des éléments qui participeront à la confirmation que ce sont bien plus (exclusivement ?) les circonstances adaptatives qui façonnent la pensée plutôt que l’inverse. Une société dont le modèle économique cahote par affaiblissement de ses approvisionnements en ressource s’expose à la difficulté de proposer un projet d’avenir, la défaillance de l’utopie sociale menant instinctivement l’individu à rétablir des défenses radicales et manichéennes face à la défaillance du cadre. Ce sont les circonstances écologiques (l’approvisionnement en ressources d’un système vivant est une question écologique) qui pourraient seules dessiner la forme du politique.
Dans un contexte symptomatique de pré-effondrement de la civilisation industrielle, il est des plus urgent de réformer le paradigme de la liberté, celui qui rend nos sociétés aveugles aux angoisses de ceux qui ne la vivent pas, sans quoi les pires obscurantismes auront accès direct au pouvoir, imposant à tous des contraintes arbitraires en étant légitimés par la survenue des limites réelles au développement de nos sociétés. Il nous faut écrire un projet de société rationnel compatible avec l’inéluctabilité de l’effondrement.
“Parmi les facteurs qui poussent à adopter des convictions politiques extrêmes se trouverait… le fait de s’ennuyer dans la vie ! Des chercheurs anglo-saxons ont soumis dans un premier test 97 étudiants à des tâches plus ou moins assommantes, suivies d’une évalutation de leur convictions. Les individus qui s’étaient le plus ennuyés étaient aussi les plus virulents dans leurs opinions. Un résultat confirmé par une deuxième étude menée sur 859 irlandais : ceux aux idées extrêmes étaient aussi ceux qui estimaient vivre dans un environnement peu stimulant. Enfin, une troisième a établi qu’un fort ennui était associé à un manque de but dans la vie, et à une recherche de celui-ci. Pour les chercheurs, adopter une idéologie politique extrême serait une façon de tenter d’insuffler du sens dans une existence trop banale.”
Science & Vie n° 1188, septembre 2016, depuis notamment cette étude (European Journal of Social Psychology) :
Version of Record online: 21 JUN 2016
DOI: 10.1002/ejsp.2205
Copyright © 2016 John Wiley & Sons, Ltd.
Keywords:
- boredom;
- meaning;
- political orientation;
- ideology;
- existential psychology
Abstract
Boredom makes people attempt to re-establish a sense of meaningfulness. Political ideologies, and in particular the adherence to left- versus right-wing beliefs, can serve as source of meaning. Accordingly, we tested the hypothesis that boredom is associated with the stronger adherence to left- versus right-wing beliefs, resulting in more extreme political orientations. Study 1 demonstrates that experimentally induced boredom leads to more extreme political orientations. Study 2 indicates that people who get easily bored with their environment adhere to more extreme ends of a political spectrum compared with their less easily bored counterparts. Finally, study 3 reveals that the relatively extreme political orientations among those who are easily bored can be attributed to their enhanced search for meaning. Overall, our research suggests that extreme political orientations are, in part, a function of boredom’s existential qualities. Copyright © 2016 John Wiley & Sons, Ltd.
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